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Abderrazak Sahli : Du local à l’universel.

ARTICLE DE SAMI BEN AMEUR. La Presse 19 mars 99

 « Le peintre-chercheur  lutte contre son passé tout en y trouvant mille nourritures. Le plus important pour lui n’est donc pas de savoir (de rêver) où il va, mais de ne pas rester trop longtemps où il est ».R. Passeron. 

 Une fois de plus, Abderrazak Sahli,  nous met face à une œuvre fondée sur le questionnement et la remise en cause, face à une œuvre originale et actuelle.

Son exposition inaugurée le 05-03-99 à la galerie Ammar Farhat, est une reconfirmation de ce que nous avions affirmé : il est artiste de grand talent ayant les qualités de grand créateur.

 

De la toile de lin, au papier transparent au support en bois ajouré, au papier d’emballage (bacou), jusqu'à la toile de jute, axe principal de l’actuelle exposition, il ne cesse de se procurer une matière riche et féconde, à travers ses interrogations sur les possibilités plastiques et expressives de ses supports variés, devenant aussi matériaux.

L’œuvre peinte n’est-elle pas cette relation réciproque et dialectique entre d’une part, ses éléments matériels objectifs : supports, outil et matière et d’autre part, la subjectivité du peintre,  ses désirs,  sa vision et ses aspirations ?

Au milieu de ce siècle, Henri Focillon a déclaré que   « la matière impose sa propre forme à la forme ». Quant à  J.Dubuffet, il affirme que « l’homme doit parler, mais l’outil aussi et le matériau aussi », il ajoute, «le spiritualiste doit emprunter le langage du matériau ».

Simple coïncidence ou thème programmé ? F. Belkahia qui venait juste de clôturer son exposition dans le même espace, partage avec AS les mêmes soucis. Mais si la peau, support qui a  longuement saisi et caractérisé son œuvre, paraît satisfaire ses curiosités plastiques et artistiques, celles de AS au contraire, est en quête de l’expérimentation continue et de la découverte en permanence.

 

Du banal jaillit l’expression

Contrairement aux supports nobles et préalablement préparés qu’exige conventionnellement la peinture traditionnelle, Sahli se décide pour un support brut, voire pauvre, banal et quotidien.. Clin d’œil à l’ « Arte Povera » qui a refusé l’esthétisme et le bon goût en recourant aux matériaux précaires et dérisoires. Référence au mouvement « Support - Surface » ayant mis en évidence la matérialité du support et de la surface au détriment de la représentation.

Contrairement aussi aux sujets nobles et grands qu’exigeait la peinture du passé, il axe son intérêt sur les êtres et les objets courants, fréquents et généralement répandus : Chien, boites, olives, bougeoirs, masques, peignes, stylos, etc.

Du banal, jaillit l’expression. Tel est le leitmotiv caractérisant l’œuvre de AS.

La planéité du support

En faisant répartir uniformément ces objets en formes linéaires, AS assure par-là une densité égale sur toute la surface du tableau et confirme sa planéité et sa frontalité au détriment des autres systèmes reliés aux problèmes de la représentation. Les contours, isolant ses éléments formels, participent à marquer leur autonomie singulière, leur multiplicité ainsi que l’uniformité de la surface. Les volumes de ses d’objets divers contournés, deviennent par le fait de leur stylisation, silhouette, et par conséquent surface. Leur multiplicité suggère l’idée de l’infini. A cet égard faut-il se rappeler des personnages de Di Rosa ou de Combas - peintres appartenant à la « Figuration Libre »- constitués de cernes et d’aplats

 

Culture locale et environnement immédiat

Mais en puisant ses références dans les innovations de l’art contemporain occidental, AS trouve « mille nourritures » dans sa culture et dans son environnement immédiat :

Ses arabesques assurant la  bidimensionnalité de ses toiles et refusant la représentation et l’illusion d’une apparence perçue, nous renvoient de prime abord aux principes de l’art musulman et à ses règles d’organisation,  fondés sur les effets de voisinage et de juxtaposition.

Sa toile et ses sacs de jute, ses trames pointillées faisant allusion aux amas d’olives recueillies sur les toiles de jutes utilisées habituellement pour un tel usage, nous évoquent l’être que suggère l’olivier, cet arbre ancestral chargé de symbolique et cher à tout tunisien de tous les temps, mais aussi à tout méditerranéen.

Par ailleurs, ses objets ne sont pas de simples prétextes à la recherche de la picturalité. Au contraire, ils sont emblématiques. Ceux-ci remplissent son environnement le plus proche.  Sahli identifie sa peinture avec sa vie quotidienne en fouillant dans l’aspect banal et quotidien de ces objets et de ces êtres les plus familiers, afin d’en extraire la vie la plus intime et la plus sereine.

 

L’œuvre de AS est une synthèse de ses références aux actualités de l’art international, de sa mémoire culturelle et de son environnement le plus proche. Synthèse de ce que pourraient engendrer les rapports unissant, l’individu et le collectif, le local et l’universel.

 

De Ammar Farhat, symbole d’une génération fondatrice de la peinture dans notre pays, à Abderrazak Sahli, témoin d’une expression picturale actuelle, l’histoire de la peinture tunisienne s’articule et se construit avec ses nuances et ses contrastes dans cette galerie de la banlieue Nord de Tunis.

 Sami Ben Ameur


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L’exposition de Habib Chebil à la galerie Chiyem 2 : De la couleur jaillit la forme

Sami Ben Ameur

La Presse/Jeudi 4 mars 99

  Croyant sincèrement à ce qu’il fait, toujours résistant face à un goût conditionné par la nostalgie du passé qui rapporte aujourd'hui argent et succès, Habib Chebil, peintre d’une notoriété incontestable issu de la deuxième génération, homme de théâtre également, nous présente dans une exposition à la galerie Chiyem 2, quarante-huit œuvres peintes, synthèse de plusieurs années de recherches.

 

 L’attraction presque physique au violet subtilement nuancé, la décomposition et la fragmentation de l’espace pictural, les aplats monochromes, le flou, l’illimité, l’ordre ambigu de l’indistinction, la distorsion et la déformation du corps, sont les axes autour desquels pivotent celles-ci.

 

En laissant  sa brosse errer librement sur la surface de la toile, balayant des parties de ses surfaces fragmentées et rassemblées et en employant la couleur par masses larges en l’écrasant par un racloir et en les juxtaposant - d’où ses aplats monochromes soigneusement structurés- HC tire de ses tracés et de ses pâtes aplaties des indications formelles qui lui ouvrent la voie désormais à des formes jaillissant spontanément de la peinture même. C’est de la couleur qu’émergent ses  signes figuratifs. Ceux-ci ne peuvent être qu’imprévisibles. Leur destin dépend du geste de peindre.  Ainsi parvient-il à s’éloigner de leur représentation réaliste et à prospecter une synthèse du dessin et de la couleur.

A cet égard peut-on rappeler les silhouettes de N. de Staël émanant des couches multiples étalées au couteau et structurant rigoureusement la surface du tableau ou les compositions savantes aux surfaces géométriques de A. Magnelli.

La rude structuration de l’espace du tableau de HC, n’a pas empêché la musicalité de ses formes.

 L’objet figuratif, accentué par des contours souples et gestuels, devient simple graphisme, débarrassé de toute sa matérialité.

 

La peinture de HC, véhicule une théâtralité du corps, régie par des exigences à la fois plastiques et pulsionnelles. Ses corps sont loin d’être une représentation figurative mais moyen d’expression traduisant une catégorie d’être et un abstrait affectif.

A travers ses empâtements diffus, ses coulées et ses «écrasis », il rend ses corps réellement méconnaissables et ambigus, muets et statiques. L’œuvre de HC dégage une atmosphère caractérisée par une passivité de ses personnages, impossible à identifier.

Le couple, thème souvent repris, est noyé dans un anonymat et une fixité accablante. Il se situe hors du temps. Ceci est-il l’expression du corps tabou, occulté par la morale sociale ? Le sexe, le plaisir bien qu’ils soient intrinsèquement ressentis, refusent par ailleurs de surgir et d’émerger. Est-il question d’une autocensure du peintre ou d’une aspiration romantique à l’absent ?

SBA

 

 

 

 


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Exposition de Habib Bouabana Univers de tensions

Galerie Chiyem

La presse. Mars 1989

Dans l'activité picturale, l'esprit et le corps se livrent sans contrainte. C'est une symphonie silencieuse où les idées, la perception, l'attention, le rêve, l'imagination, la conscience, l'émotion etc. , sont traduits par le cerveau en mouvement de nerfs et de muscles. Agissant sur un matériau quelconque, ce mouvement déclenche le processus créatif. Désormais, il y a jaillissement, explosion, surgissement, naissance. L'esprit et la matière s'embrassent, font la fusion pour enfanter le nouveau-né: l’œuvre picturale.

Dans son exposition qui tient lieu à la galerie Chiyem, H. Bouabana nous invite à prendre contact avec son oeuvre picturale.

Une première lecture de celle-ci nous révèle un univers de tensions, une expressivité dotée d'un langage surchargé d'une prolifération infinie, forme à partir d'une déformation, figure qui participent de l'irrationnel, c'est le pathos, l'emphase, un climat morbide, une atmosphère d'angoisse et d'inquiétude.

L'objet dans la peinture de H.B. est déformé, sombré dans une atmosphère particulière.

Un préalable dans l'esprit du peintre surgit : l'objet doit perdre son identité propre. Désormais, il est détruit déformé, distordu, bref dépassé. Il y a figure et dépassement de la figure vers un autre ordre de représentation. L'objet perd ce droit d'être lui-même. Il s'agit d'une métaphysique des apparences. Au lieu de décrire, Bouabana évoque, au lieu de représenter, il transpose dans un langage allusif, elliptique, doté souvent d'une force intérieure.

Le dessin et la couleur ne sont pas dissociés. La géométrisation de la touche prépare à l’œuvre son destin : elle crée la forme. Il s'agit d'une volonté de synthèse de la forme et de la couleur.

Les grandes surfaces de couleur homogène qui caractérisent toutes ses oeuvres possèdent une valeur plus suggestive que descriptive. Ces couleurs sont violentes avec prédominance de jaune, de vert et de rouge. Mais aucune n'est utilisée à l'état pur. Les teintes se simplifient, se géométrisent et s'épurent. L'objet disparaît dans des couleurs dépouillées de toute lourdeur matérielle. Absence de clair-obscur, absence d'ombre portée, absence de perspective atmosphérique, tous les plans du tableau sont traités de la même manière, absence de source de lumière : la lumière émane des couleurs elles-mêmes.

Les surfaces peintes sont cloisonnées. Les couleurs sont disposées en aplat et cernées souvent par des contours expressifs, rehaussées parfois par des petites touches. Le peintre pose de larges aplats, celle-ci éclate avec intensité aussi bien dans ses paysages que dans ses portraits. La perspective, le modelé, les dégradés disparaissent d'où aplatissement des volumes.

A travers toutes ces données matérielles de l’œuvre. Il s'établit un dialogue supérieur avec l'objet, le dialogue de l'esprit et des choses.                  

Bouabana part d'une idée et dépasse le modèle, il fait sa propre peinture en s'écoutant soi-même. Un travail d'élaboration intellectuelle et d'effusion sentimentale. L'univers pictural de notre peintre est le domaine de ses fantasmes personnels. C'est une expression de sa vie intérieure. Il est trop présent dans chacune de ses oeuvres. Lorsqu'il amplifie tel membre des corps de ses femmes et en rétrécit tel autre, il veut faire ressortir ce qu'il lui importe d'exprimer.

L'objet extérieur et peu intéressant, le plus important, c'est la manière de mettre en oeuvre cet objet à travers une vision poétique d'essence picturale. Les têtes de ses maîtresses se réduisent à des figures apocalyptiques, monstrueuses.

Elles ne sont en fait que le reflet de ce qu'il sert, le produit de ses impatiences de ses déceptions et peut-être de son dégoût.

L'irrationnel est désormais à la base de l’œuvre de Bouabana, celle-ci est aussi un monde organique et fantasmatique imbibé de ses délires élémentaires.

Malgré qu'il refuse de s'intégrer à un quelconque mouvement contemporain H.B. est obligé d'accepter l'influence du groupe "Brück" allemand et des "Fauves". Il élabore un langage expressif à l'image de l'expressionnisme allemand et français en usant de leur technique spécifique : technique des aplats, cerne expressif, étirement stylisé des figures, les aplats rehaussée par des touches, etc..

Bouabana pensera-t-il dépasser cet héritage ? L'expressionnisme qui est un courant artistique universel et intemporel, retraçant une attitude de l'homme vis-à-vis du monde extérieur, est contre l'asservissement de l'esprit, l'encloisonnement, rétablit l'individu dans son pouvoir créateur, et lui prépare un champ d'investigation large.

Cependant Bouabana dispose de son atout. Sa peinture ne manque ni talent, ni force.


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L’AVENTURE DE FAKHFAKH.

 

 Galerie CHIYEM

LE 2-6-89. Le Renouveau

Sami Ben Ameur

 Le peintre, c’est celui qui fait des choses, dit-on de nos jours, c’est celui qui expérimente un matériau,  tente sa chance et entre dans le monde de l’aventure. Une aventure qui n’a de sens que dans ce qu’elle cache, que dans ce qu’elle comporte de virtualité et de possibles imprévisibles.

Ce que nous propose R. Fakhfakh dans son exposition du 15 février dernier à la galerie Chiyem, est une aventure avec ses matériaux, ses outils et avec soi-même, une aventure mobile, féconde qui sollicite la richesse de notre attention et l’étendu de notre imaginaire.

En faisant créer des couleurs vives et bigarrer, maçonnées en touches et taches et traversées par une trace de gros traits de pinceau malhabile, les œuvres de R.Fackhfakh ont pris leur chemin vers l’expression de quelque chose qui participe de l’innommable, sollicite l’imagination et la pousse à vouloir donner corps à ce qui est inachevé, à prolonger les trajectoires interrompues.

Ça ressemble à quelque chose ? non, ça ne ressemble à rien du tout.

Le souci de l’artiste n’est pas la représentation. Son problème est autre.

R.F. et son œuvre ne peuvent faire qu’un seul. Elle est partie de soi-même. Elle illustre son corps, ses gestes, le contact de sa main avec le pinceau et la matière.

Sa main se livre à une action spontanée, trace, marque des gribouillis, entre en contact avec une matière, opère la surface du subjectile, enfante un poème.

La main, c’est le geste. Le geste est un besoin fondamental de la vie, il englobe l’infini et le fini, l’absolu et le possible. La fusion de la main et du geste suscite l’improvisation dans l’espace. Elle provoque la recherche de l’organique, du spontané, du fluide, de la dynamique, du mobile.

R.F. donne la parole libre et franche à ses matériaux, d’où l’éclat es couleurs des encres qui font souvent contraste avec les zones opaques et sombres peintes en gouache ou en acrylique. Le pastel à l’huile incompatible avec la couleur à eau s’insurge et donne un effet assez riche laissant apparaître une variété de métamorphoses.

Mais devant une ligne qui se trace, devant une tache qui se démarque, devant un chaos informel, RF s’exalte. Cela suscite son imagination.

Le rapport qu’entretient FF avec le matériau est assimilable à la maïeutique de Socrate. L’artiste accouche les matériaux des effets qu’ils contiennent. La qualité spirituelle et plastique de son œuvre est la conséquence de ce rapport dialectique qui l’entame avec l’œuvre.

L’accident s’oppose et s’impose. C’est ainsi qu’il revendique son droit de vivre. Il est signe de fertilité. En peignant, il se laisse guider par les exigences de la matière et du geste. Il devient son propre spectateur.

L’œuvre qu’il nous véhicule est une révélation de substance.

Les abondances de la couleur, le chaos qu’ils peuvent provoquer ainsi que la libération du geste semble constituer pour lui des moyens susceptibles d’atteindre l’inconscient et par-là de matérialiser en une forme picturale un état psychologique qui échappe au contrôle.

Le tracé libre, la spontanéité du geste favorisent une détente susceptible de provoquer l’affectivité inconsciente du peintre.

La main parle à l’aventure, mais au fur et mesure, la vision inconsciente commente ce qui se produit. Il s ‘établit entre la main et l’inconscient du peintre un rapport de va et vient.

A cet égard, encore, faut-il se rappeler les surréalistes qui ont mis au point un certain nombre de techniques, à savoir la libération du geste (automatisme) afin de favoriser l’irruption dans le cours de la vie psychique et d’exprimer le fonctionnement réel de la pensée en l’absence de tout contrôle de la raison et de tout à priori culturel et idéologique.

Dans ses œuvres, R.F. extériorise es forces psychiques cachées, témoignant parfois d’une nervosité atroce et dans d’autres cas d’un calme absolu à travers des tracés magiques traduisant le comportement involontaire de son corps.

Le corps du peintre transpose sur la toile des lignes, des mouvements investis d’images intérieures que l’esprit de l’artiste incorpore à sa manière, d’où cette rigueur de composition et d’organisation qui caractérise toutes ses œuvres.

Il s’établit comme une sorte de rêverie éveillée, mais une rêverie pas comme les autres, celles que nous vivions habituellement est encore plus riche et ceci à cause de cette action expressive et fertile qui lie l’esprit et le corps.

R.F. a pu contrôler sa spontanéité, mais il ne saurait la contrôler s’il ne lui a pas permis de s’exprimer.

Déclare-t-il la rupture avec sa démarche antérieure ?

Dans ses travaux sur le cube magique, il a cherché à travers des règles mathématiques, à instaurer l’équilibre logique et inévitable. Cette démarche participe d’une esthétique déductive qui adopte pour point de départ des hypothèses fixes, vérifiables tout au long du processus de création. Elle suppose une conclusion nécessaire, donc l’idée antérieure à l’activité.

L’œuvre que nous propose aujourd’hui R.F. est inductive, elle part des faits concrets dans l’expérience plastique, jusqu’à l’aboutissement concluant et progressif. Elle part général. Cette démarche suppose l’imprévisible, l’aventure et le risque.

Entre les eux démarches, le décalage est bien apparent. Avec sa nouvelle exposition, R.F. déclare la rupture avec sa démarche antérieure.

 

 

 

 

 

 


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Qu’est-ce qu’une thèse en arts plastiques ?

Qu’est-ce qu’une thèse en arts plastiques ?

 

Sami Ben Ameur

 

Qu’est-ce qu’une thèse en arts plastiques ?

Depuis 1970, date de la création de cette thèse à Paris 1 Panthéon Sorbonne, cette question n’a pas cessé de susciter la polémique. Certains ont remis en cause la légitimité de cette thèse, d’autres ont envisagé la pratique artistique figurant dans celle-ci comme une sorte d’exemplification présentée au sein d’une recherche théorique générale, ou l’ont considéré comme une pure introspection de soi, un journal intime, ou encore exclusivement comme un texte poïétique. La thèse en arts plastiques demeure depuis sa création jusqu’aujourd’hui, au cœur d’un grand malentendu qui risque de l’étouffer. 

Ayant préparé moi-même une thèse en arts plastiques théorie-pratique à Paris 1, et étant chargé de l’encadrement des doctorants dans cette même spécialité à l’ISBAT depuis des années, et étant parmi ceux qui sont convaincus de la nécessité et de l’importance d’une telle recherche universitaire, et conscient aussi de sa spécificité, je me permets de proposer dans cette conférence, une réponse à notre question posée, véhiculant une réflexion, fruit de mon expérience d’enseignant chercheur et artiste, dans le but de contribuer à expliciter la finalité d’une thèse en arts plastiques, et ainsi, espérer rétrécir le malentendu à ce sujet.

Une première réponse qui nous parait évidente à notre question est la suivante : une thèse en arts plastiques a pour but de permettre au doctorant de réfléchir sur sa propre pratique artistique. Mais, réfléchir sur son propre art n’est pas exclusif à l’artiste universitaire. Tout artiste est appelé à le faire. L’art ne s’est jamais séparé de la réflexion. L’homme primitif, quand il réalisait ses peintures rupestres, avait ses propres intentions. Les peintres de la Renaissance italienne percevaient, à travers leurs pratiques artistiques, toute une assise intellectuelle et conceptuelle qui a participé à fonder au 15ème siècle, l’Humanisme. Et il en est de même pour d’autres exemples envisagés dans le temps et dans l’espace. La pensée figure dans chaque œuvre. « Quand nous réfléchissons sur le tableau, nous réfléchissons sur la réflexion. »[1] confirme Jean-François Lyotard. L’art et la réflexion sont deux volets intimement liés. L’art qui est une pratique concrète, est fondamentalement porteur de connaissance.

Il serait plus approprié alors, dans notre contexte, de poser la question autrement. A savoir, plutôt s’interroger sur la façon de réfléchir sur une pratique artistique personnelle entreprise dans un cadre doctoral. Une thèse en arts plastiques, serait-elle alors une célébration de la connaissance véhiculée par une pratique personnelle, devenant un objet d’étude à part entière et débouchant sur une recherche écrite ? Si tel devait être le cas, alors, un problème majeur surgit, car toute œuvre d’art ne participe-t-elle pas de l’indicible et de l’ineffable ? Comment dire ce qu'on ne saurait exprimer par les mots, comment écrire ce qui dépasse toute expression ? Pour appréhender objectivement une pratique artistique personnelle, une distanciation de l’artiste vis à vis de son œuvre est -t-elle alors nécessaire, et surtout, est-elle possible ?

Voici ce qui constitue le problème dans une thèse d’arts plastiques.

Ecrire sur son art n’est pas nouveau. Encore faut-il rappeler les écrits effectués par de nombreux artistes illustres à savoir Léonard de Vinci, Kandinsky ou Paul Klee et bien d’autres, et qui ont été d’une importance capitale pour nous éclairer sur les procédés techniques et conceptuels de ces artistes, entrepris dans leurs démarches artistiques. Il en est de même pour bon nombre d’autres artistes contemporains qui ont accordé une place considérable au texte accompagnant leurs pratiques. Par ailleurs, les écrits de Paul Valéry sur la poïétique, rehaussés et développés par la suite par René Passeron, ne peuvent que confirmer l’importance de la réflexion sur l’œuvre chemin faisant. Pour ce qui me concerne, et à titre de témoignage, je dois admettre que la thèse d’arts plastiques, (théorie-pratique) que j’ai préparée à Paris 1, sous la direction du professeur René Passeron, intitulée « Le rôle de l’imprévisible dans l’activité picturale » m’a énormément aiguillé tout le long de ma carrière de chercheur, d’enseignant et de plasticien.

La réflexion est certainement une constante dans la pratique artiste devenant porteuse de connaissance. Cependant, célébrer cette connaissance pour en faire un objet d’étude autonome dans un texte construit et méthodique, nous permet sûrement de sonder les méandres de la création, de découvrir ses aléas et par là, d’ouvrir de nouveaux espaces de création. Ainsi se trace la finalité d’une thèse en arts plastiques. Mais on ne peut alors méconnaître les obstacles qui s’en résultent. 

Comment donc l’élaboration d’une thèse en arts plastiques pourrait chanter davantage la connaissance dans une pratique personnelle ? Comment le textuel peut participer à transgresser ce qui est indicible et ineffable dans celle-ci ? Que cherchons-nous dans une thèse en arts plastiques ? 

Pour répondre à ces questions, nous expliquerons dans un 1er chapitre, la nécessité de la préexistence de la pratique plastique, dans une thèse en arts plastiques, sur toute idée discursive. Dans le deuxième chapitre, nous réfléchirons sur la nature de la problématique élaborée dans cette thèse, et dans le 3ème chapitre nous soulignerons comment cette dernière est une dialectique entre création personnelle et recherche scientifique. Enfin, dans le 4ème et dernier chapitre, nous insisterons sur le bien-fondé d’une telle recherche universitaire.

  1. Une première donnée fondamentale : la préexistence de la pratique plastique sur toute idée discursive.

''Au commencement était le Verbe'' : ce sont des premiers mots de la Bible qui nous font comprendre qu’'au commencement'' Dieu créa le Ciel et la Terre.

Une thèse en arts plastiques émane principalement de la pratique plastique, du faire et de l’action. Mais cette pratique n’a-t-elle pas principalement pour objectif de donner formes aux matériaux, à nos corps aux objets et par là, à nos pensées ? Ainsi parvenons-nous à entrevoir une réalité matérielle mais aussi intellectuelle nouvelle ?

Un principe à ne pas perdre de vue est celui de l’antériorité de la pratique plastique et de l’expérience esthétique sur toute connaissance discursive. Nous ne pouvons considérer le déroulement d’une thèse en arts plastiques, que de la même manière avec laquelle se déroule la création chez l’artiste.

En transformant les matériaux, l’artiste s’exalte, rentre dans une aventure esthétique susceptible de susciter son imagination. Il fait revivre des images. Il crée de nouvelles combinaisons d'images, il analyse, déduit, bref, procède à la construction de ses idées. Ainsi, il se transforme. Ses idées et ses actes se modèlent, prennent forme, s’associent et progressent.

« La beauté est un effet du travail de l’art. L’effet d’art est un événement. » écrivait Marc le Bot. Or l’événement est synonyme de surprise, d’aventure et d’imprévisibilité, il suscite notre attente, sollicite notre curiosité. Il ne se mesure pas à un préalable vécu, aux genres et aux catégories connues, mais aux valeurs particulières que chaque artiste fait émerger. La fonction de l’artiste est à cet égard difficile, parce qu’elle se situe toujours entre le su et le non su, entre l’acquis et ce qui reste à acquérir. Ainsi, elle devient instauratrice de connaissance nouvelle que l’artiste découvre tout le long de sa pratique artistique. L’artiste est à la recherche des possibles.

Nous comprenons donc que désormais, la technique n’est pas une application méticuleuse dans une pratique artistique, mais plutôt une confirmation de notre réflexion au moment où l’œuvre de par sa matérialité déroutante devient « monstre à nourrir », (E. Souriau) exigeant solutions spécifiques et réponses adéquates. A cet égard, le sens traditionnel du terme "technique" en tant que « procédé opératoire conscient, réglé, reproductible et transmissible »[2], aboutissant à des effets prévisibles dans l’œuvre, est en perte de vitesse et son emploi se restreint de plus en plus au profil du terme pratique artistique devenant plus approprié à une conception plus ouverte du faire plastique. Ce qui explique le changement de l’appellation de la thèse relative à notre discipline à l’ISBAT. Ainsi de l’ancienne dénomination, thèse en « Sciences et Techniques des Arts, » nous retrouvons aujourd’hui l’actuelle appellation, « Sciences et Pratique des Arts. »

 

Certes, la création n’est pas l’apanage d’un savoir-faire appris, mais elle-même origine de ce que nous pourrons éventuellement savoir. Tel est essentiellement le credo de l’art moderne et contemporain. Nous ne pouvons alors nous inscrire en dehors d’une telle question inhérente à l’art.

La méthodologie de la thèse doit ainsi répondre à la méthodologie imposée par le processus créateur. Ce dernier est fondamentalement imprévisible. L’œuvre se crée progressivement. Elle se construit au fur et à mesure. "Je ne cherche pas, mais je trouve" disait Picasso.  

Une thèse en arts plastiques a pour objectif de réfléchir sur l’œuvre en gestation, en tenant compte des spécificités du processus créateur et d’une méthodologie appropriée, susceptible de faciliter le chemin de la connaissance qu’elle construit.

  1. Une première station : la problématique

Chaque doctorant en arts plastiques, dispose d’un certain nombre d’intentions, de préoccupations, d’engagements, de convictions mais aussi d’expériences, de compétences et d’un savoir réfléchir et de savoir-faire. Tout cela constitue le terreau de l’objet d’étude de sa thèse.

Faire une thèse en arts plastiques, c’est savoir fixer un objet d’étude, bref un intitulé d’une recherche qui doit laisser entendre une problématique, laquelle est véhiculée par un certain nombre de questions, mots-clefs et hypothèses. C’est savoir aussi mettre au point un plan structurant ses idées. Il est évident que chaque artiste doit savoir se projeter d’une manière ou d’une autre sur l’avenir et se donner lui-même une contrainte. Il ne peut partir du vide, de zéro et il en est de même pour l’artiste chercheur.

Mais une problématique dans une thèse en arts plastiques n’est pas un schéma à suivre. Et elle ne peut en aucun cas déboucher sur des questions auxquelles nous devons leur trouver une ou des réponses exactes. Le caractère imprévisible de la création artistique nous impose une problématique qui ne cesse de se renouveler, de se clarifier, de s’approfondir tout le long de notre recherche pratique, qui est en perpétuelle confrontation à des obstacles et problèmes renouvelés.

Une thèse n’est pas une illustration d’une problématique. La compréhension et l’analyse d’un problème donné, ne peuvent être qu’ascendantes. Le résultat en arts plastiques ne peut jamais être soumis à une proposition précise qui contrôle l’expérience, plutôt, il est conséquence d’une méditation progressive, d’une réflexion qui se construit chemin faisant. A ce propos Raymond Bayer écrit en décrivant le processus créateur : « Avec des moments et des degrés, et aussi avec une chronologie un peu bouleversée, il y a toujours ce premier germe au départ, puis une sorte de méditation sur le germe, une sorte de mise en formule, une sorte d’intellectualisation du problème. Puis, au moment de l’inspiration, une sorte de remise au four, comme chez le potier »[3].

 

La pratique artistique nous apprend à nous prescrire aux faits dont les significations ne se donnent pas en vrac, puisqu'elles se complètent, se précisent, se corrigent avec l'évolution de notre expérience.

On ne peut alors exiger d’un doctorant, une problématique complètement définie à suivre tout le long de sa recherche, mais plutôt un cadre général qui peut le guider. La pratique artistique demeure à ce niveau le fondement principal de la recherche, un fondement mouvant, et la recherche textuelle relative à la thèse ne peut que suivre cette mouvance. Ainsi nous verrons notre problématique se transformer, se corriger et par là, prendre forme.

  1. Création personnelle et recherche scientifique

Mais si la pratique artistique est l’origine du savoir dans une thèse, cette dernière ne peut trouver sa légitimité qu’au moment où nous l’engageons dans une recherche méthodique.

Une thèse en arts plastiques, c’est le travail mental qui a pour finalité de créer le dialogue entre une activité créative personnelle et une recherche scientifique. Entre d’une part, une poésie subjective s’ouvrant sur un savoir ludique, et d’autre part, une recherche scientifique opérant sur celle-ci d’une manière objective, en lui ouvrant les étendus conceptuelles et en le confrontant au monde scientifique et aux expériences artistiques d’autrui, bref au savoir savant. Ainsi s’établit la dialectique des deux composantes constituant une thèse en arts plastiques : la création personnelle et la recherche scientifique.

 

Nous focalisons sur ces deux entités pour souligner leurs significations :

 

La création personnelle veut dire : créativité, subjectivité, poésie, esthétique, imagination, ludisme, affectivité, intuition, fluidité, flexibilité, originalité, savoir pratique, etc. La partie subjective se rapportant à la pratique artistique dans une thèse d'arts plastiques, constitue le savoir spécifique de celle-ci. Elle est son noyau de recherche. On y trouve d’une part, le texte poïétique retraçant la genèse de l’œuvre qui nous fait découvrir les procédés techniques de l’artiste naissant de sa pratique, de ses erreurs, de son tâtonnement, de sa réflexion, bref de ses expériences et traçant par-là le premier jet d’une thèse d’arts plastiques. D'autre part, on y découvre le texte esthétique. Le créateur n’est-il pas le premier interprète de son œuvre ? Son rapport avec elle n’est-il pas aussi en permanence un rapport sensible ? Dans une thèse en arts plastiques, poïétique et esthétique personnelle, se conjuguent. Si la poïétique consiste en le faire, le chemin faisant, l’esthétique est le senti de l’artiste, ses réactions sensibles envers ce qu’il fait et envers les formes qu’il réalise.

Ainsi, le doctorant artiste chercheur, est appelé à nous emporter dans son voyage imprévisible pour nous faire découvrir les méandres de son parcours poïétique et esthétique et nous faire prendre conscience de ce qui est en jeu dans l’action créative pour en dégager le processus et le sens. Mais tout cela ne peut se faire sans risque d'erreurs, sans tâtonnements ni repentir. L'erreur est enrichissante.

Quant à la recherche scientifique, elle est synonyme d’objectivité, de distanciation, d’analyse, de déduction et d’induction, de conceptualisation, de comparaison, de logique de découverte, d’intellectualisation et de savoir savant. Elle suppose un recul vis à vis de l’artiste créateur pour le placer hors de lui-même, en questionnant objectivement les rapports que ses œuvres entretiennent entre elles, et en les positionnant par rapport à d’autres approches artistiques, esthétiques et philosophiques.

Le doctorant, artiste-chercheur, ne peut parvenir à construire sa thèse s’il ne dispose pas d’un support conceptuel capable de l’aider à approfondir ses intentions et comprendre les étendues de sa pratique personnelle. Il en est de même pour les références scientifiques et artistiques. Notre doctorant ne peut jamais partir de zéro. Ecrire sur sa propre pratique personnelle en se référant aux écrits d’autre chercheurs dans les domaines scientifiques et philosophiques et aux œuvres d’autres artistes, est une nécessité scientifique. Ces références sont importantes, parce qu’elles se recoupent avec sa pratique artistique, ses réflexions, ses fantasmes et ses préoccupations ; parce qu’elles argumentent son discours propre. Néanmoins, elles ne sont guère premières, parce qu’elles tirent leur légitimité et leur existence de la pratique artistique qui demeure l’origine véritable de la recherche du chercheur. 

Ainsi présentée, une thèse en arts plastiques est à la fois subjective et objective, personnelle et impersonnelle. Elle est d’une part le spontané, le ludique et l’imprévisible, d’autre part le conçu, le contrôlé, le réfléchi, bref le rationnel. Elle est à la fois processus créateur imprévisible et ludique et procédure de recherche scientifique et rationnelle. Elle est une posture créatrice à visée singularisante et une posture de recherche à visée cognitive. C’est ce qui fait l’originalité d’une thèse en arts plastiques.

Ainsi considérée, une thèse en arts plastiques serait alors mettre l’intellect au service du créatif. Se donner les moyens intellectuels et méthodiques pour mener à bien son projet et lui ouvrir de nouveaux horizons d’ordre artistique et conceptuel ; faire fonctionner l’objectif pour mieux comprendre le subjectif et l’aiguiller ; faire découvrir notre processus créateur, son devenir, sa genèse, ses lois internes, bref, son ordre caché.

L’artiste chercheur universitaire a une double vocation. Il imagine autant qu’il réfléchit. Il se donne le droit à la folie autant qu’il s’organise. Il se fie au hasard et au spontané, autant qu’il se réfère au rationnel. Ceci peut-il lui permettre de faire de ses doutes, de ses questionnements et de ses expériences plastiques spécifiques, une matière transmissible à d’autres ? Ainsi; cette matière fait progresser les savoirs et savoir-faire et fait découvrir d’autres facettes de l’artistique. L’artistique, n’est-il pas synonyme de notre autonomie en tant que créateur, face aux données de la nature et face à tout présupposé ? N’est-il pas la révélation, à la fois de notre profonde spiritualité, notre plaisir et désir, mais aussi de nos intentions, attitudes, capacités de réflexion, d’analyse et d’auto construction ?

Si nous affirmons qu’une thèse en arts plastiques ne doit pas répondre à un schéma précis, c’est parce qu’il n’y a pas une démarche artistique semblable à une autre. Tout processus créateur est exclusif et unique et ne peut être repris. Par conséquent, il en est de même pour la recherche dans une thèse en arts plastiques.

  1. Le bien-fondé d’une thèse en arts plastiques

Une recherche associant pratique artistique et théorie, n’est pas sans précédent dans le cursus des étudiants de l ISBAT. Les ateliers de synthèse qui ont été programmés durant les années 80 et 90 et qui ont touché les 3 années d’études jusqu'à l'année de maîtrise, exigeant aux étudiants un rendu artistique et textuel, en sont un exemple. Il en est de même pour les enseignements se rapportant au nouveau régime LMD : le PFE, relatif à la Licence, ainsi que l’atelier de méthodologie de recherche programmé durant les trois premiers semestres du master de recherche en arts plastiques, ont également pour but d'initier l 'étudiant à conjuguer pratique et théorie. Nous comprenons désormais, que la thèse en arts plastiques n'est qu'un prolongement naturel de ces enseignements à double vocation, théorique et pratique, désignant par-là, la spécificité de notre discipline. Nous nous étonnons alors de l’attitude de ceux qui remettent en question la légitimité de cette thèse, ainsi que la légitimité de la thèse en design (théorie pratique,) en prétendant que la pratique artistique d’un étudiant chercheur parvenant au doctorat, est en dessous de ce que devrait être l'objet d’étude d'une thèse en arts plastiques : constat absurde et non conséquent.

Que tu sois Léonard de Vinci, Delacroix, Picasso ou rien, est à notre avis un jugement non fondé, voire anti-pédagogique et dénué de sens et non concevable. Egalement, sacraliser la thèse de doctorat ne peut relever que d’une appréciation démesurée. Une thèse de doctorat n'est-elle pas qu’une étape s'inscrivant dans le processus évolutif universitaire de l’étudiant ? Ainsi comprise, elle devient une opportunité lui permettant d’approfondir ses expériences artistiques et réflexives durant une durée limitée afin de parvenir à ouvrir de nouveaux horizons lui garantissant l'acquisition de nouvelles compétences, tant dans le domaine artistique que théorique. Une double compétence nécessaire, lui permettant, une fois recruté dans l’enseignement supérieur, de bien mener ses enseignements spécifiques, (pratique- théorique,) programmés dans nos écoles d’art.

Aussi, la recherche est un parcours sans arrêt. Ainsi nous comprenons inévitablement qu'une thèse universitaire ne peut en aucun cas être considérée comme un point d’arrivée, mais plutôt un point de départ déclenchant l’envie d’entamer d'autres recherches. Une thèse réussie est celle qui émane des préoccupations majeures du doctorant et devient par la suite un fil conducteur et initiateur de ses futurs travaux de recherche permettant la cohérence de son parcours. Une thèse dans laquelle il y trouvera, une fois achevée, mille chemins à sonder, nourrissant sa vie professionnelle, d’enseignant chercheur et d’artiste. Une thèse n’est pas un chapitre d’un parcours universitaire oublié. Elle n’est pas non plus une fin en soi.

Alors, qu’est-ce qu’une thèse en arts plastiques ? :

 

Une thèse en arts plastiques, n’est pas un travail à la manière de. Elle n’est pas non plus une pure introspection de soi, un journal quotidien. Elle est plutôt fruit d’un travail mental opérant sur notre recherche artistique dans un sens concret, à savoir : saisir ses spécificités ainsi que les interférences de ses composantes plastiques, théoriques et référentielles, et proposer une réflexion textuelle poïétique, esthétique, analytique et critique, émanant d’une problématique, questionnant cette recherche artistique et provenant de préoccupations personnelles du chercheur. Une problématique qui se précise et se corrige avec l'évolution de notre expérience. Ainsi parvenons nous à un dialogue entre création personnelle et recherche scientifique. Un dialogue permettant un meilleur approfondissement et objectivisation de cette pratique, et une mise en exergue de l’artistique et une ouverture sur le futur.

 

Sami Ben Ameur

Le 01-02-2017

 

 


[1] Jean-François Lyotard, Discours, figure, Paris, Klincksieck, 1985.

[2] Dictionnaire du vocabulaire esthétique. Puf.1990.

[3] Raymond Bayer, dans Entretien sur l’art abstrait. De Herbin Nicolas Ward. Edition Pierre Cailler. Genève, 1964, p.36


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"ذاكرة تتجدد ":

اركيولوجيا المكان بين تمثلات الانا وكونية المحلي.

تتعلق هذه المداخلة بتجربتي الفنية التي انجزتها ببرج المنيف في إطار تظاهرة "فلننقذ الأبراج" والتي نظمتها جمعية احباء الفنون التشكيلية ببرج القلال وانتظمت خلال 23 و24 ماي 2016. وبرج المنيف يعد من أقدم الابراج في مدينة صفاقس وهومن بين العديد منها المهددة اليوم بالسقوط. وتضمنت هذه التجربة، تنصيبة انجزتها ضمن الفضاء الداخلي لهذا البرج، يصاحبها شريط فيديو يدوم 14 دقيقة، وهو موثقا لها ومبرزا لأبعادها الفنية والمفهومية ولمراحلها الانشائية، وتم عرضه في خيمة مجاورة لهذا البرج خلال اليومين المخصصين للتظاهرة.

وعلاقتي بمفهوم اركيولوجيا الذاكرة ليس معطى جديد. فمعرضي الشخصي "الأرض البكر" الذي انتظم سنة 2009 برواق "الفيولون البلو" بسيدي بوسعيد، كان قد طرح نفس هذا الموضوع. فالحروف المسمارية التي تمثل اول لغة عرفتها البشرية والاحافير السمكية والحلزونية وغيرها التي اعتمدها في رسومي، تحيلني الى بدايات غابرة والى ذاكرة اسعى الى النبش فيها. وعلاوة على البعد المفهومي التي تُأسس له عبارة اركيولوجيا الذاكرة في تجربتي هذه، فإنها ايضا تساعدني على تصور التقنية الملائمة لها. فانا اراكم اشكالي الخطية من كتابات مسمارية واحافير وقرافيزمات وخامات عجينية، اتربة ومواد من الطبيعة، والتي تصنع نتوءات على مساحة اللوحة، لأعود الى النبش والحفر فيها من جديد، فأعري بعضها واستحضر كما يستحضر الاركيولوجي ما خفي عن السطح. فالذاكرة والسعي الى استحضارها والحفر فيها، مسائل تلازم اعمالي منذ 2009. والفكرة  بدت منذ 2007  في معرضي الخاص بعنوان "جلال الأرض" وتحديدا في لوحة "نبش." وتواصلت الى آخر معرض لي بـ 2016 بعنوان طبيعة حميمة .

وان تعلق مفهوم اركيولوجيا الذاكرة بهذا التمشي في اعمالي التصويرية السابقة، فان نفس هذا المفهوم أخذ شكلا مغايرا في تجربتي "ذاكرة تتجدد"، غير انه بقي على نفس الهدف والغاية.

فمعنى اركيولوجيا الذاكرة في هذا الإنجاز الفني، مرتبط بمكان برج المنيف كسطح جغرافي، لكن أيضا بفضائه الداخلي وبالأغراض التي يحتويها. مما يفضي بنا الى مفهوم اركيولوجيا المكان المعتمد في عنوان هذه المداخلة والذي يقصد به تفحص لذاكرة هذا المكان بامتداداته، وتنقيب عن معانيه التي نسجها التاريخ والفتها الأزمنة، معان تصبح مادة نستنير بها في مشروعنا الفني. انه حوار مع زخم الذاكرة وتحيين لها.

ولعل تعلقي بهذا المكان، ناجم عن تقطع اوصال ارتباطي به وهو الذي يحيلني الى طفولتي. اركيولوجيا المكان إذا، هي اركيولوجيا الذاكرة الشخصية الممزوجة بذاكرة جماعية. بذلك يصبح هذا المكان عنوان هوية، وهو الجذر الغائص في الأرض الذي نسعى الى استعادته واعادة تملكه.  وفي هذا المعنى، تستشهد ماريفون سيزون في محاضرة لها بما كتبه كلود لويس كومبات، حيث يقول هذا الاخير ان "الذاكرة تتجذر في هذا السماد الوجودي اين يختلط الخيال بالحسي" ويضيف " في هذا الغلاف الجسدي والحسي الذي يحتضن الطفل في طفولته ويطبع انتماءه للعالم" "يتحدد انتمائه و"تتجذر الجمالية"[1]

وسنتعرض في هذه المداخلة الى مفهوم الانشائية المتدرجة التي اعتمدها في هذا المنجز، متسائلا كيف تتشكل جدلية العلاقة التي تربط هذا المكان الذاكرة بممارستي الفنية، وكيف تمثل هذه الاخيرة تجاوزا لهذا المكان كبعد موضوعي لتصبح مرتبطة بتمثلات الفنان. كما سأفسر، كيف تحول الممارسة الفنية مكان الذاكرة الى مادة تواصل فاعلة مع الجمهور المحلي، وكيف تساهم أيضا في ترسيخ طابعه الإنساني والكوني.

الانشائية المتدرجة وجدليتها مع المكان

ان طريقة العمل عبر انشائية متدرجة، تمثل منهجية اعتمدتها طيلة مسيرتي الفنية. ففي كل رسوماتي التي انجزتها، كنت دائما أقسم العمل إلى درجات مختلفة منفصلة بعضها عن بعض. ذلك لما تفرضه هذه الطريقة من عديد الاحتمالات العملية الممكن توخيها في انشائية العمل وتمنعني من توقع النتيجة النهائية قبل الأوان. فبإبقاء الصيغة النهائية للعمل مفتوحة، أتمكن من استغلال وتوظيف أكثر قدر ممكن من مدركاتي وأحاسيسي. فكل درجة تفرض قرارا ونتيجة مؤقتة، دون أن أتوصل إلى الكشف عن علاقتها المباشرة بالنتيجة النهائية.

إن السياق الإبداعي هو إذا هذا المجال الزمني المتغير والمتقطع، المتراكم والمتناثر، الا انه أيضا، مجالا يفضي الى عمل فني متكامل يتفاعل فيه بطريقة جدلية الفعل والتفكير، الصدفة والتحكم، الوعي واللاوعي، المتوقع واللامتوقع، الهدم وإعادة البناء، الأنا والآخر.

وان تعلقت هذه الدرجات في رسوماتي بمراحل مختلفة تخص انشائية اللوحة، فان درجات العمل المختلفة في هذه التجربة "ذاكرة تتجدد" متفرعة ومفككة وفق تنوع الوسائط الفنية المعتمدة فيها، رسما وصورة وتنصيبة، ووفق تواترها زمنيا، مما يشكل انشائيتها المتغيرة والمتدرجة المتصاعدة ويحدد جماليتها وابعادها المفهومية.

خمس درجات او مراحل تؤسس لإنشائية هذا الإنجاز الفني:

تعرف المكان والتفاعل معه عبر التصوير الفوتوغرافي والفيديو

عودتي الى المرسم لإنجاز مجموعة من الرسومات المسطحة والمحجمة والمتناغمة مع فضاء برج المنيف.

توضيب التنصيبة في فضاء برج المنيف والتفاعل مع هذا الفضاء من جديد عبر التصوير الفوتوغرافي والفيديو

كتابة نص مُقدِّم للتجربة ولمفهومها ولأبعادها الفنية والحضارية، ثم تركيب شريط الفيديو التشكيلي وفق هذا النص وتسلسله والذي تحول مقروءا في هذا الشريط.

عرض المنجز امام الجمهور والالتحام بهذا الاخير.

انجاز هذا العمل الفني "ذاكرة تتجدد"، بدأ فعليا منذ اللحظة التي دخلت فيها هذا الفضاء التراثي. ومنذ ان اكتشفت فيه مكوناته المعمارية، من أرضية وجدران ومدرج ونوافذ، او مكوناته الضوئية، من تأثيرات للضوء والظل والظلمة ولتبايناتها، او مكوناته النسيجية، من جدران مهترئة وارضية مغطاة غبارا.. او مكوناته المتعلقة بالأغراض القديمة الحاضرة فيه، كالمحراث والمحشة والقرداش والحصير وقفل الدواب والماجل والكليم وغير ذلك... كل هذه العناصر الثرية بصريا وملمسيا ورمزيا، دفعتني الى التفاعل معها بداية عبر عدسة الكاميرا. لقد كانت الصورة الثابتة والمتحركة خير وسيلة لتسجيل حضوري الاولي في هذا المكان. انه استكشاف له. انه رحلة لا متوقعة، كرحلاتي التي اخوضها وانا ارسم حيث اكتشف وانا اعمل. فكان هدفي ليس تصوير المرئي، بقدر ما هو تصوير ما يخفيه هذا الأخير. ليس توثيق ما هو معطى بصريا، بقدر ما هو إدراك خصوصي له، إدراك تمتزج فيه ذاتي بكل ابعادها الذهنية والفنية والثقافية الانتربولوجية مع ما هو معطى بصري وموضوعي.

ومستلهما بما تحصلت عليه من صور ثابتة وفيديو من هذه الزيارة، ومستعينا برسوم بيانية لمشاكي وجدران هذا البرج حملتها معي، عدت الى مرسمي في درجة ثانية لأشرع في انجاز مجموعة من الرسوم المعدة لهذا الفضاء، متجاوزا مفهوم اللوحة التقليدية والمؤطرة. لقد أردت ان يكون فضاء برج المنيف موقعا تتفاعل فيه رسومي لتنصهر في جدرانه ونوافذه. وهو ما دفعني الى انجاز مجموعتين من الرسوم. مجموعة أولى أنجزتها على محامل خشبية مسطحة ومصممة اشكالها وفق مقاسات فضاء برج المنيف ومعماره. كاللوحات ذات الشكل المقوس او الشكل المستطيل والتي تنصهر في مشاكي البرج المختلفة احجامها واشكالها. ومجموعة ثانية لرسومات انجزتها على مساحات أغراض حميمة مثلثة الابعاد تحيلني الى ذاكرة البرج ونشأتي الطفولية فيه. مثل المائدة ذات جلد الخروف، اوالغربال او البندير او القبقاب او "عصى البازين"  ("المدلك") او خشبة قديمة استحضرتها من البرج الذي نشأت فيه. معتمدا في رسومي كتابات وتأثيرات لمسية ولونية سعيت ان تكون ملائمة لهذا المكان.

اما الدرجة الثالثة، فتتمثل في العودة من جديد الى برج المنيف وتوضيب تنصيبة ضمن فضائه الداخلي بالاعتماد على ما انجز من رسوم مسطحة ومحجمة وما وجد في هذا الفضاء من أغراض قديمة، بالاستعانة بفريق من طلبتي. وان خُصّت بعض الرسومات لأماكن محدّدة، فان البعض الآخر وجد مكانه وفق تفاعلي الحيني على عين المكان. وكانت حاجتي كبيرة بعد إتمام توضيب هذه الاعمال الى إعادة تصوير هذا الفضاء التنصيبة، وذلك لإثراء واتمام شريط الفيديو الذي شرعت فيه منذ زيارتي الأولى لهذا البرج، تسجيلا لتحوله النوعي وابرازا لأبعاده التشكيلة الجديدة.

اما الدرجة الرابعة في انشائية هذا الإنجاز الفني، فتمثلت في كتابة نص ضمنته تقديما لهذا الإنجاز وعرضا للبعد المفهومي الذي أسس عليه وشرحا لإنشائيته ولأهدافه الفنية والرمزية والحضارية. نص نهلت معناه من تجربتي الحسية والذهنية والجسدية التي عشتها في هذا البرج كما عشتها في مرسمي. وقد اعتمدت هذا النص كسيناريو في تركيب ما انتقيته من صور بالفيديو في برج المنيف، مستعينا تقنيا بأحد طلبتي احمد العكاري والذي هو نفسه الذي تولى تصويري بالكاميرا عندما وجب ان أكون في هذا الشريط موضوع الصورة الملتقطة.  ولعل هذا ما جعل من هذا النص، العمود الفقري لهذا الشريط. وما سعيت اليه هو إيجاد التواصل بين الصورة والنص إضافة الى التواصل بين الصورة والموسيقى التي استعرتها من ابداعات الفنان محمد علي كمون الذي اشتغل هو نفسه على مسالة العلاقة التي تربط الموسيقى بالتراث.

وقد اعتبرت شريط الفيديو هذا تشكيليا لعديد الاسباب:

لأن تعاملي مع الصورة كان اساسا انطلاقا من رؤية تشكيلية للفضاء الداخلي للبرج، سواء كان ذلك خلال زيارتي الأولى او الثانية له. وسنستشهد لاحقا بأمثلة في هذا الغرض.

وهو تشكيلي أيضا لأنه يفتح مجالا لإبراز انشائية هذا الانجاز ودرجات تطوره. وهذا يفسر مدى مكانة الانشائية في نظري مقارنة بالخطاب الجمالي والنتيجة النهائية. علما انني اعتبر أيضا ان الانشائية والحكم الجمالي للفنان وهو يشتغل، في علاقة جدلية تامة.

اما الدرجة الأخيرة في هذه التجربة الفنية، فتتمثل في عرض هذا المنجز الفني امام الجمهور. عرض استمر خلال يومي 22 و23 ماي 2016. وان اعتبرت هذه المرحلة جزء من الإنجاز، فذلك لخصوصية طريقة العرض التي اضافت له. فقد توزع على خيمتين مجاورتين للبرج. خيمة لعرض الاعمال الفنية المتضمنة للتنصيبة والتي تم اللجوء اليها إثر القرار المفاجئ الذي صدر عن معهد التراث قبيل بضعة أيام من المعرض، والقاضي بمنع الجمهور من دخول البرج خوفا من سقوطه.   وخيمة ثانية لعرض شريط الفيديو الذي أصبحت أهميته بالغة في غياب التنصيبة داخل البرج، وذلك لأنه كان ايضا موثقا لها بالصورة علاوة عن بعده الفني.

ولعل ما افضت اليه طريقة العرض هذه والتي تجاوزت الطريقة التقليدية في هذا الشأن، هي فكرة الحضور الفني عن قرب.  فكرة توحي لنا بإمكانية نقل هذا المعرض بخيمتيه الاثنتين في امكنة أخرى وحتى في شوارع المدينة. وقد وصف الزميل الناقد محمد بن حمودة الشريط الفيديو الذي قدم في الخيمة، بسينما الجيب.

 2. لا معنى لمكان الذاكرة خارج تمثلاتنا وخيالنا

ان الذاكرة والتي هي القدرة على التذكر، لا يمكن لها ان تُستخدم الا برغبة منا وبالشعور بالحاجة لها وبوعينا بأهميتها.  وان تتطلب بالنسبة للفنان حافزا موقظا لها، كالمكان مثلا، الا ان هذا الأخير سوف لن يكون هو ذاته النتيجة. وانما النتيجة، هو ما يفضي اليه الفنان من مقاربة تختزل المكونات الموضوعية والرمزية لهذا المكان ليُقدم من جديد في صيغة فنية خصوصية وفريدة. وليس هناك طريقة واحدة للعمل.

ان التفاعل إذا في عمل فني مع المكان، لا يعني حصرا استحضار وابراز المكان ذاته. ذلك انه لا معنى لهذا الأخير خارج حضورنا وتمثلاتنا وخيالنا ايضا. ليس هناك مكان خارج ادراكنا ونظرتنا له. لذلك فان العودة الى مكان ما من الذاكرة، هو العودة الى هذا المكان والى أنفسنا ايضا. ثمة جدلية تحدث بين هذين الاثنين لنفضي الى العمل الفني.

يكتب فرانسوا سولاج في هذا الموضوع متحدثا عن فضاءات الذاكرة في علاقتها بالفن وينعتها بالحقائق المعقدة: " الفن ليس مادة مضافة لهذه الحقائق المعقدة: بل انه يجدد هذه الحقائق، وهذه الحقائق تجدده: هناك جدلية متصاعدة يتم تفعيلها بين هذين القطبين المجتمعين، الى حد ان الفن هو مسكون بمشكل الفضاءات الحبلى بالذاكرة وبذاكرات ثقيلة بالفضاءات[2]"

يصبح المكان الذاكرة الموظف في العمل الفني مسكونا بشيء هو أكثر من المكان. انه أضخم منه. وهذا ما يضاعف معنى هذا المكان. فالأغراض التي عثرت عليها في هذا البرج كالمحراث والمحشة والقرداش وقفل الدواب والحصير والكليم او المكونات المعمارية التي تفاعلت معها كالمدرج والماجل والنوافذ، اخذت في هذا الشريط معنى مضاعفا ومختلفا عن معناها الموضوعي. اذ اصبحت موضوع تأمل انطلاقا مما تختزله من ابعاد روحيه ورمزية وأنثروبولوجية وشخصية، ومادة يمكن تغييرها وتحويلها عن طريق تفكيك معناها الاولي الموضوعي وإعادة قراءته وصياغته من خلال زاوية تشكيلية، مما يفضي عليها واقعا جديدا. تصبح هذه الأغراض شيئا آخر.

فالوحدة التصويرية مثلا التي خصصتها للكليم الذي عثرت عليه ملقى على أرضية برج المنيف في زيارتي الأولى له، والذي كان معفنا بسبب الغبار الذي غمره والرطوبة التي اهلكت نسيجه، والذي تحول في شريط الفيديو في وضعية متحركة، متحولة وراقصة وقد تكون شبقية، موحية لنا بشخوص رومانسية تتفاعل فيما بينها وتتعانق، هذه الوحدة التصويرية، تمثل نتيجة تناغم بين عدسة الكاميرا وهذا الكليم.  كاميرا امسك بها بيدي اليمنى لتتجول على مساحة الكليم وهذا الأخير الذي أشرع باليد اليسرى في تحريكه. كما انه نتيجة تفاعل ادراكي له لمسا ولونا وشكلا. وان كان تصوير هذا الكليم تلقائيا وخاضعا للصدفة وللامتوقع، فان عملية تركيب الصور الملتقطة له، تصبح جد مدروسة وموجهة ومفتوحة على قراءات مختلفة.

نفس الشيء بالنسبة للوحدة التصويرية المتعلقة بالماجل، والتي تطلعنا الكامرا على جوفه المظلم، حيث يلوح انعكاس صورتي في الماء القابع في عمقه. ونشاهد هذه الصور في الشريط، اواصل بصوت محمل بالصدى، الحديث عن الصور الحميمة التي عثرت عليها في هذا البرج، والتي تحيلني الى طفولتي، كالحصير الذي كان يجمع افراد العائلة والقرداش الذي كان الصوف يتفكك بين اسلاكه الحديدية والذي كانت تحركه يدا والدتي العزيزة المرحومة.  صور مرئية وصوتية موسيقية ونصية تتفاعل فيما بينها وتجتمع في فضاء هذا الماجل المغلق والمفضي الى بريق ماء مستقر، لتحيلنا الى معنى الحميمي والرحم والاولي، أي الى فكرة الانتماء.

نفس الشيء حصل مع تأثيرات الظلمة الداخلية المتباينة مع النور الخارجي، او مع ركام الأغراض القديمة المتناثرة، او مع الجدران التي تحكي قصص تآكلها عبر الزمن، ومع الخربشات الموزعة على جدرانه والمسجلة لذكريات زائريه، ومع الغبار المتراكم والذي يفسح لبصمات خطوات زائريه ومع قفل الدواب ... ومع الحركات البصرية وذبذباتها والتأثيرات التشكيلية التي انتجتها "عصي البازين" العالقة في سقف مثقوب في ركن من فضاء البرج، إثر تحرك عدسة الكاميرا وتحول تأثير الضوء عليها.  

ان مكان الذاكرة عندما يخترقه الفن يتحول الى شيء آخر أعمق. ذلك انه يصبح بكل ما تحتويه من ابعاد رمزية وتاريخية وروحية، خامة ومادة فنية متحولة ومتداخلة مع ذات الفنان، وهو ما يفضي الى العمل الفني الذي يصبح مستقلا بذاته ومنتجا للمعنى. بل ان هذا الأخير، يصبح متجاوزا لحدود صانعه أيضا، فهو ليس مرآة عاكسة له. ان العمل الفني في هذا المعنى، يصبح نتيجة لجدلية بين ذاتية الفنان وموضوعية الأشياء المادية ورمزيتها أيضا  التي تساهم في بنائه.

لذلك فان هذا الشريط هو اخراج جديد للواقع ومسرحة لهذا المكان. انه ليس الواقع ذاته. انه تحيين له في الحاضر وتضخيم له، تخيل وتمثل له. وما نتخيله هو منا ونابع من عمقنا ومن روحانياتنا ومن وعينا ولا وعينا. لذلك يصبح مواصلة لوجودنا رغما عنا. انه الفضاء الجديد المختلف. انه فضاء العمل الفني.

من هنا نفهم كيف تتجدد الذاكرة في عملية الابداع. فما نستعيده منها ليس مجرد معطى موضوعي ومرئي، بل ما خفي عن هذا المرئي وفاق موضعيته. انه الحاضر والغائب على حد سواء. وما ارتبط بالوعي وباللاوعي ايضا. المنسي والمتذكر، الظاهر والمتخيل. ان تجدد الذاكرة يكمن فيما تفصح عنه كل هذه العناصر المتشابكة والتي تعتبر عنوانا لبشريتنا ولوجودنا. وقد نكون طوباويين في كل هذا، الا ان الطوباوية ضرورية للمعرفة وللفن وهي تمنحنا المعنى

من المحلي الى الكوني.

وان البحث في اركيولوجية المكان الذاكرة الذي ننتمي اليه كفرد ومجموعة، هو الغوص في خصوصيته والاغراق في فهم بعده الانساني وهو ما يفسح المجال لتشريك الآخر في عملية تقبل هذا العمل الفني بطريقة أكثر تشاركية وأكثر تفاعلية. فلقد وجدت هذه التجربة، امتدادا ملحوظا عند الآخرين من الجمهور الذين قدموا افواجا للاطلاع على التجربة ولاكتشاف هذا البرج.  فالروابط الثقافية والانتربولوجية والرمزية مع هذا المكان الذاكرة لهؤلاء هي نفسها روابطي.

وان كانت الذاكرة إنسانية لا محالة، فان الانجاز الفني تأكيد على هذه الإنسانية وتفنيد لها. وما يربط الاثنين هو الوجود الإنساني المتواصل والمتجدد والذي لا يعرف استقرارا وتوقفا ولا سكينة. ولعل هذا ما يمكن ان يضمن العلاقة المتجددة بين محليتنا وكونيتنا. ان الفن مساحة انسانية للتفكير والتي لا تعرف الحدود الجغرافية.. فاشكالية اركيولوجيا المكان الذاكرة، تحيلنا الى الايتيقي وبالتالي الى المحلي والكوني على حد سواء. فالاعتراف بخصوصية ذاكرتنا، تثمين للذات البشرية عموما في أعمق قيمها.. والتدخل الفني في هذا الإطار يساهم في ترسيخ طابعه الإنساني والكوني هذا ويمكنه من شرعيته كثروة بشرية.

ربط العلاقة بين مكان الذاكرة بالفن والابداع، هو اعتراف ضمني بأهمية تفرد كل مكان مهما اختلفت جغرافيته، وهو ايضا اعتراف ضمني باختلاف الآخر عنا.. أي مستقبل للبشرية ان اضاعت ذاكرة ورموز امكنتها؟

نثير هذا السؤال في زمن الجيوسياسي وتداعياته الكونية، وفي زمن وصاية المال على الفن وفي زمن الموضة وأزمة المصطلح والمعنى والانتماء، أي في زمن العولمة وتأحيد الثقافات. حيث يرى "ليفي ستراس" منذ 1980 "أن الإنسانية تستقر اليوم في ثقافة أحادية، وهي تتهيأ لإنتاج حضارة جماعية مثل البنجر. فالأكلة اليومية ستقتصر على هذا الطبق".

الخاتمة

تطرح هذه الندوة سؤال الحداثة والمعاصرة واشكالية تواصلهما. فهل تجربتي المقدمة هذه تنتمي الى الحداثة او المعاصرة او الى ما بعد حداثة؟ سوف لن أقدم محاضرة ثانية للبحث في هذه المصطلحات. مصطلحات تصبح لا معنى لها للفنان وهو في غمار الفعل الفني. واجابة على هذا السؤال، اكتفي بالقول، أنني لم أكن فنانا آخر امام هذا المكان الذاكرة وامام ما يطرحه من قضايا. بل كنت، كما كنت وكما سأكون. وفي كينونة الفنان تواصل وتحولات دائمة. وان غاب هذا التواصل وغابت هذه التحولات في مسيرة الفنان، فقد نخسر رهان الفن ذاته. في جرابي وانا انجز هذا العمل، تجربتي التشكيلية كرسام وكفوتوغرافي معاصر ما دمت اعمل في الزمن الحاضر. ولعل الفيديو فرض نفسه. ذلك للحاجة الماسة لهذه الصورة المتنقلة في الفضاء والزمان، المبدعة والموثقة للزمن الحي والزائل. أليست الفنون التشكيلية هي القادرة على التأقلم وإيجاد الحلول وفق المتغيرات سواء كانت مكانا او خامة او أداة او غير ذلك؟ اليس هذا ما يمنحها صفة المعاصرة ايضا، بعيدا عن غوغائيات المصطلحات التي افضت في عصرنا اليوم الى فقدان معناها؟

سامي بن عامر

في 24 سبتمبر 2016

 

[1] Claude louis -combet. Origine et fin du paysage. In la mémoire n’a pas de lieu de maryvonne saison dans espaces et mémoire p.60 : « la mémoires s’enracine en ce terreau d’existence dans lequel se confondent l’imaginaire et le sensible » c’est «  dans cet enveloppement charnel, sensoriel, qui tenait l’enfant dans son enfance et marquait son appartenance au monde » que  se joue son « empaysement » et que «  s’origine l’esthétique »

 

[2] François Soulages.la nécessité de l’esthétique ou la photographie des espaces et des mémoires. Dans espace et mémoire atep. Maghreb diffusion. Tunis 2005. P. 314

« L’art n’est pas qu’un additif à ces réalités complexes : il renouvelle ces  réalités et ces réalités le renouvellent : une dialectique ascendante est alors mise en œuvre entre ces deux pôles qui se réunissent, au point que l’art est habité par le problème des espaces remplis de mémoire et des mémoires lourdes d’espaces ».


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