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Après Dubaï, Londres (2007) et la Libye, le Caire- et encore une fois- Londres (2008), l’artiste peintre Sami Ben Ameur expose au Violon bleu de Sidi Bou Saïd sa "Terre originelle". Une ronde dans tous ses états?
"Terre originelle" (nom de l’exposition) a été officiellement inaugurée le 10 mai courant. La veille, en fin d’après- midi, le peintre avait organisé un pré-vernissage. C’était l’occasion de rencontrer des journalistes de la place pour leur expliquer sa démarche dans sa "Terre originelle" qui se prolongera jusqu’à la fin du mois. Pour ces récents travaux,? la foule d’amoureux d’art abstrait est venue dimanche matin en grand nombre. Il était impossible de trouver une seule place au parking municipal de ce village mythique perché avec majesté sur les hauteurs. Car, ici, il s’agit bien d’un art vrai et on est loin des croûtes qu’on voit placardées un peu partout dans la cité. Il faut dire aussi que ce jour-là, à même pas un jet de pierre, il y a eu une autre exposition d’une autre haute facture. C’est Feryel Lakhdhar qui expose une tribu de ses femmes bouboules et gracieuses à la fois. Des? peintures et installations, de taille XXXL et plus, peuplent avec enthousiasme la galerie Ammar Farhat que dirige Aïcha Gorgi (fille du défunt Abdelaziz Gorgi). Des dames parées de toutes sortes de tissus, de toutes les couleurs et autres accessoires à volonté.?
Pour revenir au Violon bleu, le peintre et universitaire (il est aussi directeur de l’Institut des Beaux-Arts de Tunis depuis le 14 juillet 2008), s’est encore accroché à sa terre de toujours. "Il s’agit d’une continuité de l’exposition de 2007 à Kalysté de la Soukra. J’ai creusé davantage dans le tréfonds de la terre? et déterré des fragments et des idées", raconte le peintre.??
Au total : une vingtaine de tableaux- tous formats-, dont une majorité est faite avec des techniques mixtes. Tantôt sur du bois, tantôt sur des toiles et le relief est roi. A l’entrée de la galerie, deux tableaux mettent les visiteurs sur un chapitre de notre mémoire picturale. Il s’agit d’un hommage vibrant aux peintres amis qui ne sont plus de ce monde.
Une gerbe de pensées?
L’immense tableau accroché à droite murmure des échos lointains. Il rappelle les portes de feu Nejib Belkhodja. Celui de la gauche est un grand carré. C’est un clin d’?il au peintre de Hammamet. "J’ai repris les motifs de feu Abderrazak Sahli et travaillé sur des couleurs grises tout en gardant ma propre matière. Comme vous le savez, son exposition, qui a eu lieu ici même au Violon bleu, a précédé la mienne de quelques semaines?", ajoute t-il sur un ton de regret. Sinon, Sami Ben Ameur, qui vient de décrocher le Grand Prix de la Ville de Tunis lors de l’exposition annuelle de l’Union des Artistes plasticiens de Tunis (UAPT) 2009, a de quoi être heureux ces derniers jours. Ses 18 autres peintures accrochées sur les cimaises du Violon Bleu sont vues (et lues) autrement. L’homme parle toujours de son retour permanent à la terre. A son argile et ses multiples composantes. C’est cette terre en colère. Très en colère et qui frémit. Mais derrière les fossiles et débris, l’encre noire et pessimiste de son environnement et de son devenir ocre, quelques lueurs de verts, de bleus? Mais aussi des jaunes et des brillants qui refusent les menaces. Puis, une musicalité envoûtante qui jaillit et une raie d’espoir qui se dégage. "De tout temps, l’homme a ressenti le besoin d’identifier cette terre qui lui appartient, d’appréhender ses composantes perceptibles, de voir en elle ce par quoi s’exprime l’être intérieur", pense l’exposant. Quant à Imed Jemaiel, il voit dans les Ben Ameur autre chose, la poésie et l’esprit. "Sous couvert d’un innocent sourire ou d’un coquet parfum, on convoite pernicieusement l’administration de nos neurones et de nos désirs. Ici, on réduit l’?il à une boite de messagerie, l’esprit est désormais formaté à son aune, il sacrifie ses fonctions critiques et imaginatives. Vassalisé, il se fossilise. L’esprit menacé, l’art sort ses griffes?", philosophe le critique. Et il est dans le sillage de Flaubert. Ce dernier disait : "Je suis un ?il". Mais pour Ben Ameur, il est cet ?il, cette voix et cette écoute à la Terre. Il est tout à la fois, rien que pour sa "Terre originelle". Sa terre d’asile et de refuge.
Zohra ABID