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SAMI BEN AMEUR
Le Renouveau
14//4/89
Dans son exposition qui se tient àla Galerie Chiyem, R. Karray nous propose une démarche picturale où l'expressivité subjective se meut avec un imaginaire populaire et où la forme plastique ressuscite d'un modèle traditionnel intériorisé. Karray s'inspire du tissage traditionnel (Margoum - Klim - Châle, etc..). Art populaire tunisien, qui a pu s'exprimer et s'imposer à travers des techniques simples.
A l'image des objets tissés traditionnels, les tableaux de karray sont composés de bandes disposées dans le sens longitudinal. Le tout est rempli d'un fourmillement de motifs calligraphiques et géométriques dotés d'une signification symbolique : triangle - losange - poisson chameau, personnages féminin et masculin, motif à base de palmettes, d'éléments à cinq tiges qui rappellent les Khomsas, etc.. Tout ce répertoire composé en bandes longitudinales et rarement traversables, se détachent sur des fonds constitués de grandes plages de couleurs souvent sombres.
Mais de la rigide structure trop géométrisée du tissage traditionnel, Karray façonne un espace souple et poétique à travers des techniques appropriées et une démarche plastique aventureuse.
Il connaît les vertus de ses matériaux. Le choix de son support en papier de riz (ressemblant au parchemin) n'est pas gratuit. Non plus le choix de ses encres. L'interaction des deux, procure un langage nouveau doté d'un pouvoir de suggestion à travers la fluidité des taches et l'effervescence des textures suscitées. En tant que matériau pictural le papier de riz se révèle comme une masse énergétique, puisqu'il porte en lui-même sa grammaire, les possibilités de se recréer, de se reproduire.
Karray intervient en tant que graphiste, il s'astreint à un labeur méticuleux de miniaturiste, organise ses motifs, applique ses couleurs, le support absorbe et propage ces derniers en suscitant des effervescences picturales fécondes. Le détail se perd dans l'ensemble, le géométrique se fond dans les nuages fluides de la couleur, le graphique dans la tache. L'ensemble sort vivant.
Ces abondances picturales, ces amalgames de signes et de couleurs nous renvoient à des sensations brutes qui pénètrent en nous en premier, pour se transformer en perception significative, provoquent les instances les plus profondes en nous.
Devant un tel cheminement de l’œuvre, devant une telle métamorphose picturale, Karray se trouve dans une situation de spectateur devant ses propres travaux. Il parle, mais aussi il laisse parler ses encres et son support. Au lieu de tisser avec du coton et de la laine, il use de ses moyens plastiques. Son support se substitue à la laine et au coton, ses encres à la teinture.
Karray crée dans ses oeuvres, un nouvel espace pictural propre à lui. mais un espace, imprégné d'une dimension symbolique qui trouve sa genèse dans une Tunisie profonde.