-
menu
Sami Ben Ameur
Le Renouveau
7 Juillet 1989
Celui qui aborde les oeuvres de Mohamed Ben Meftah exposées dansla Galeriedes Arts d'El Menzah y trouvera des aspects de l'art indien traditionnel où se mêle la confession d'un artiste contemporain cherchant son propre être et révélant sa nature la plus intime.
L’œuvre de Ben Meftah est l’œuvre du présent, qui questionne l'univers à travers ce que les époques disparues ont laissé. Son voyage en Inde va lui permettre de se constituer un répertoire pictural d'une grande richesse.
De cet art, purement spirituel, caractérisé par son panthéisme grandiose et sa pénétration de l'univers, où l'homme n'est plus au centre du monde, mais mêlé à toute chose, au même plan que toutes choses où l'instinct est laissée se répandre dans la nature où le moi individuel s'efface pour essayer de parvenir à ce "soi" qui englobe et surmonte le moi afin de parvenir à atteindre l'essence la plus profonde, Ben Mefteh forge son propre style, se donne les moyens mentaux. Il s'agit d'un contact du moi personnel du peintre avec une expérience humaine qui tente de parvenir au-delà de ce que le moi peut savoir.
Lucidité du trait
En maniant aisément ses courbes et ses contre-courbes, Ben Mefteh forge son espace pictural dans lequel le réel perd ses propres lois. Le corps humain se plie et se replie indépendamment de tout effort musculaire. Les bras, les jambes, les têtes, les torses s'entremêlent. Les traits serpentent, glissent, s'enchevêtrent, décrivent la forme, une forme qui s'imbrique en fonction d'un ensemble unifié. Si le rôle de trait est de figurer, il est là aussi pour émouvoir.
La décomposition des figures, leur dislocation aboutit à une magistrale architecture de fragments colorés, lucidement rythmés. On ne peut saisir l'ensemble du tableau qu'en passant par tous ces fragments, par toute cette accumulation désordonnée de formes enchevêtrées. Le volume s'atténue souvent devant le souci essentiel du peintre qui semble être porté vers le jeu des courbes et des brillants aplats de couleurs. La sérénité du mal arrondi des courbes donne au tableau une odeur sensuelle et une atmosphère plaisante à l’œil.
Absence de perspective. La distance est suggérée par l'imbrication des personnages et des objets à des niveaux différents. La superposition des figures crée la profondeur du champ.
Le monde imaginaire
A l'intérieur des zones ainsi délimitées par le dessin, Ben Mefteh applique ses couleurs. Du graphique pur, il passe au pictural. Les couleurs appliquées à l'acrylique sont souvent fluides et vives. Les rouges et les bleus s'y rencontrent souvent et constituent une harmonie de base. Une maîtrise dans le choix des couleurs qui égale son audace dans leur emploi.
Les personnages de B.M. sont souvent intégrés dans l'ensemble de la composition. Une imagerie d'allure primitive, animaux mystérieux et voraces, masques, totems, oiseaux imaginaires corps de femmes transgressées, le tout flotte dans un espace fluide quasi cosmique menant à une profondeur plus spirituelle que matérielle. Le peintre donne naissance à un espace imaginaire fabuleux, dans lequel nous sentons la présence de l'infini et un mirage de l'irréel.
Tout est imaginaire. Tout passe par l'inconscient du peintre. Ce dernier nous livre à une irrationalité concrète. Il se livre à une interprétation délirante des objets de la réalité, au point de suggérer aux spectateurs les éléments obsessionnels de son inconscient où l'érotisme abonde.
L’œuvre de B.M. est une équation personnelle qui reflète son visage mais aussi sa marche. Elle est une synthèse qui met en oeuvre toute sa formation et ses expériences mais aussi son esprit créateur qui ne cesse d'improviser.