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Qu’est-ce qu’une thèse en arts plastiques ?
Sami Ben Ameur
Qu’est-ce qu’une thèse en arts plastiques ?
Depuis 1970, date de la création de cette thèse à Paris 1 Panthéon Sorbonne, cette question n’a pas cessé de susciter la polémique. Certains ont remis en cause la légitimité de cette thèse, d’autres ont envisagé la pratique artistique figurant dans celle-ci comme une sorte d’exemplification présentée au sein d’une recherche théorique générale, ou l’ont considéré comme une pure introspection de soi, un journal intime, ou encore exclusivement comme un texte poïétique. La thèse en arts plastiques demeure depuis sa création jusqu’aujourd’hui, au cœur d’un grand malentendu qui risque de l’étouffer.
Ayant préparé moi-même une thèse en arts plastiques théorie-pratique à Paris 1, et étant chargé de l’encadrement des doctorants dans cette même spécialité à l’ISBAT depuis des années, et étant parmi ceux qui sont convaincus de la nécessité et de l’importance d’une telle recherche universitaire, et conscient aussi de sa spécificité, je me permets de proposer dans cette conférence, une réponse à notre question posée, véhiculant une réflexion, fruit de mon expérience d’enseignant chercheur et artiste, dans le but de contribuer à expliciter la finalité d’une thèse en arts plastiques, et ainsi, espérer rétrécir le malentendu à ce sujet.
Une première réponse qui nous parait évidente à notre question est la suivante : une thèse en arts plastiques a pour but de permettre au doctorant de réfléchir sur sa propre pratique artistique. Mais, réfléchir sur son propre art n’est pas exclusif à l’artiste universitaire. Tout artiste est appelé à le faire. L’art ne s’est jamais séparé de la réflexion. L’homme primitif, quand il réalisait ses peintures rupestres, avait ses propres intentions. Les peintres de la Renaissance italienne percevaient, à travers leurs pratiques artistiques, toute une assise intellectuelle et conceptuelle qui a participé à fonder au 15ème siècle, l’Humanisme. Et il en est de même pour d’autres exemples envisagés dans le temps et dans l’espace. La pensée figure dans chaque œuvre. « Quand nous réfléchissons sur le tableau, nous réfléchissons sur la réflexion. »[1] confirme Jean-François Lyotard. L’art et la réflexion sont deux volets intimement liés. L’art qui est une pratique concrète, est fondamentalement porteur de connaissance.
Il serait plus approprié alors, dans notre contexte, de poser la question autrement. A savoir, plutôt s’interroger sur la façon de réfléchir sur une pratique artistique personnelle entreprise dans un cadre doctoral. Une thèse en arts plastiques, serait-elle alors une célébration de la connaissance véhiculée par une pratique personnelle, devenant un objet d’étude à part entière et débouchant sur une recherche écrite ? Si tel devait être le cas, alors, un problème majeur surgit, car toute œuvre d’art ne participe-t-elle pas de l’indicible et de l’ineffable ? Comment dire ce qu'on ne saurait exprimer par les mots, comment écrire ce qui dépasse toute expression ? Pour appréhender objectivement une pratique artistique personnelle, une distanciation de l’artiste vis à vis de son œuvre est -t-elle alors nécessaire, et surtout, est-elle possible ?
Voici ce qui constitue le problème dans une thèse d’arts plastiques.
Ecrire sur son art n’est pas nouveau. Encore faut-il rappeler les écrits effectués par de nombreux artistes illustres à savoir Léonard de Vinci, Kandinsky ou Paul Klee et bien d’autres, et qui ont été d’une importance capitale pour nous éclairer sur les procédés techniques et conceptuels de ces artistes, entrepris dans leurs démarches artistiques. Il en est de même pour bon nombre d’autres artistes contemporains qui ont accordé une place considérable au texte accompagnant leurs pratiques. Par ailleurs, les écrits de Paul Valéry sur la poïétique, rehaussés et développés par la suite par René Passeron, ne peuvent que confirmer l’importance de la réflexion sur l’œuvre chemin faisant. Pour ce qui me concerne, et à titre de témoignage, je dois admettre que la thèse d’arts plastiques, (théorie-pratique) que j’ai préparée à Paris 1, sous la direction du professeur René Passeron, intitulée « Le rôle de l’imprévisible dans l’activité picturale » m’a énormément aiguillé tout le long de ma carrière de chercheur, d’enseignant et de plasticien.
La réflexion est certainement une constante dans la pratique artiste devenant porteuse de connaissance. Cependant, célébrer cette connaissance pour en faire un objet d’étude autonome dans un texte construit et méthodique, nous permet sûrement de sonder les méandres de la création, de découvrir ses aléas et par là, d’ouvrir de nouveaux espaces de création. Ainsi se trace la finalité d’une thèse en arts plastiques. Mais on ne peut alors méconnaître les obstacles qui s’en résultent.
Comment donc l’élaboration d’une thèse en arts plastiques pourrait chanter davantage la connaissance dans une pratique personnelle ? Comment le textuel peut participer à transgresser ce qui est indicible et ineffable dans celle-ci ? Que cherchons-nous dans une thèse en arts plastiques ?
Pour répondre à ces questions, nous expliquerons dans un 1er chapitre, la nécessité de la préexistence de la pratique plastique, dans une thèse en arts plastiques, sur toute idée discursive. Dans le deuxième chapitre, nous réfléchirons sur la nature de la problématique élaborée dans cette thèse, et dans le 3ème chapitre nous soulignerons comment cette dernière est une dialectique entre création personnelle et recherche scientifique. Enfin, dans le 4ème et dernier chapitre, nous insisterons sur le bien-fondé d’une telle recherche universitaire.
''Au commencement était le Verbe'' : ce sont des premiers mots de la Bible qui nous font comprendre qu’'au commencement'' Dieu créa le Ciel et la Terre.
Une thèse en arts plastiques émane principalement de la pratique plastique, du faire et de l’action. Mais cette pratique n’a-t-elle pas principalement pour objectif de donner formes aux matériaux, à nos corps aux objets et par là, à nos pensées ? Ainsi parvenons-nous à entrevoir une réalité matérielle mais aussi intellectuelle nouvelle ?
Un principe à ne pas perdre de vue est celui de l’antériorité de la pratique plastique et de l’expérience esthétique sur toute connaissance discursive. Nous ne pouvons considérer le déroulement d’une thèse en arts plastiques, que de la même manière avec laquelle se déroule la création chez l’artiste.
En transformant les matériaux, l’artiste s’exalte, rentre dans une aventure esthétique susceptible de susciter son imagination. Il fait revivre des images. Il crée de nouvelles combinaisons d'images, il analyse, déduit, bref, procède à la construction de ses idées. Ainsi, il se transforme. Ses idées et ses actes se modèlent, prennent forme, s’associent et progressent.
« La beauté est un effet du travail de l’art. L’effet d’art est un événement. » écrivait Marc le Bot. Or l’événement est synonyme de surprise, d’aventure et d’imprévisibilité, il suscite notre attente, sollicite notre curiosité. Il ne se mesure pas à un préalable vécu, aux genres et aux catégories connues, mais aux valeurs particulières que chaque artiste fait émerger. La fonction de l’artiste est à cet égard difficile, parce qu’elle se situe toujours entre le su et le non su, entre l’acquis et ce qui reste à acquérir. Ainsi, elle devient instauratrice de connaissance nouvelle que l’artiste découvre tout le long de sa pratique artistique. L’artiste est à la recherche des possibles.
Nous comprenons donc que désormais, la technique n’est pas une application méticuleuse dans une pratique artistique, mais plutôt une confirmation de notre réflexion au moment où l’œuvre de par sa matérialité déroutante devient « monstre à nourrir », (E. Souriau) exigeant solutions spécifiques et réponses adéquates. A cet égard, le sens traditionnel du terme "technique" en tant que « procédé opératoire conscient, réglé, reproductible et transmissible »[2], aboutissant à des effets prévisibles dans l’œuvre, est en perte de vitesse et son emploi se restreint de plus en plus au profil du terme pratique artistique devenant plus approprié à une conception plus ouverte du faire plastique. Ce qui explique le changement de l’appellation de la thèse relative à notre discipline à l’ISBAT. Ainsi de l’ancienne dénomination, thèse en « Sciences et Techniques des Arts, » nous retrouvons aujourd’hui l’actuelle appellation, « Sciences et Pratique des Arts. »
Certes, la création n’est pas l’apanage d’un savoir-faire appris, mais elle-même origine de ce que nous pourrons éventuellement savoir. Tel est essentiellement le credo de l’art moderne et contemporain. Nous ne pouvons alors nous inscrire en dehors d’une telle question inhérente à l’art.
La méthodologie de la thèse doit ainsi répondre à la méthodologie imposée par le processus créateur. Ce dernier est fondamentalement imprévisible. L’œuvre se crée progressivement. Elle se construit au fur et à mesure. "Je ne cherche pas, mais je trouve" disait Picasso.
Une thèse en arts plastiques a pour objectif de réfléchir sur l’œuvre en gestation, en tenant compte des spécificités du processus créateur et d’une méthodologie appropriée, susceptible de faciliter le chemin de la connaissance qu’elle construit.
Chaque doctorant en arts plastiques, dispose d’un certain nombre d’intentions, de préoccupations, d’engagements, de convictions mais aussi d’expériences, de compétences et d’un savoir réfléchir et de savoir-faire. Tout cela constitue le terreau de l’objet d’étude de sa thèse.
Faire une thèse en arts plastiques, c’est savoir fixer un objet d’étude, bref un intitulé d’une recherche qui doit laisser entendre une problématique, laquelle est véhiculée par un certain nombre de questions, mots-clefs et hypothèses. C’est savoir aussi mettre au point un plan structurant ses idées. Il est évident que chaque artiste doit savoir se projeter d’une manière ou d’une autre sur l’avenir et se donner lui-même une contrainte. Il ne peut partir du vide, de zéro et il en est de même pour l’artiste chercheur.
Mais une problématique dans une thèse en arts plastiques n’est pas un schéma à suivre. Et elle ne peut en aucun cas déboucher sur des questions auxquelles nous devons leur trouver une ou des réponses exactes. Le caractère imprévisible de la création artistique nous impose une problématique qui ne cesse de se renouveler, de se clarifier, de s’approfondir tout le long de notre recherche pratique, qui est en perpétuelle confrontation à des obstacles et problèmes renouvelés.
Une thèse n’est pas une illustration d’une problématique. La compréhension et l’analyse d’un problème donné, ne peuvent être qu’ascendantes. Le résultat en arts plastiques ne peut jamais être soumis à une proposition précise qui contrôle l’expérience, plutôt, il est conséquence d’une méditation progressive, d’une réflexion qui se construit chemin faisant. A ce propos Raymond Bayer écrit en décrivant le processus créateur : « Avec des moments et des degrés, et aussi avec une chronologie un peu bouleversée, il y a toujours ce premier germe au départ, puis une sorte de méditation sur le germe, une sorte de mise en formule, une sorte d’intellectualisation du problème. Puis, au moment de l’inspiration, une sorte de remise au four, comme chez le potier »[3].
La pratique artistique nous apprend à nous prescrire aux faits dont les significations ne se donnent pas en vrac, puisqu'elles se complètent, se précisent, se corrigent avec l'évolution de notre expérience.
On ne peut alors exiger d’un doctorant, une problématique complètement définie à suivre tout le long de sa recherche, mais plutôt un cadre général qui peut le guider. La pratique artistique demeure à ce niveau le fondement principal de la recherche, un fondement mouvant, et la recherche textuelle relative à la thèse ne peut que suivre cette mouvance. Ainsi nous verrons notre problématique se transformer, se corriger et par là, prendre forme.
Mais si la pratique artistique est l’origine du savoir dans une thèse, cette dernière ne peut trouver sa légitimité qu’au moment où nous l’engageons dans une recherche méthodique.
Une thèse en arts plastiques, c’est le travail mental qui a pour finalité de créer le dialogue entre une activité créative personnelle et une recherche scientifique. Entre d’une part, une poésie subjective s’ouvrant sur un savoir ludique, et d’autre part, une recherche scientifique opérant sur celle-ci d’une manière objective, en lui ouvrant les étendus conceptuelles et en le confrontant au monde scientifique et aux expériences artistiques d’autrui, bref au savoir savant. Ainsi s’établit la dialectique des deux composantes constituant une thèse en arts plastiques : la création personnelle et la recherche scientifique.
Nous focalisons sur ces deux entités pour souligner leurs significations :
La création personnelle veut dire : créativité, subjectivité, poésie, esthétique, imagination, ludisme, affectivité, intuition, fluidité, flexibilité, originalité, savoir pratique, etc. La partie subjective se rapportant à la pratique artistique dans une thèse d'arts plastiques, constitue le savoir spécifique de celle-ci. Elle est son noyau de recherche. On y trouve d’une part, le texte poïétique retraçant la genèse de l’œuvre qui nous fait découvrir les procédés techniques de l’artiste naissant de sa pratique, de ses erreurs, de son tâtonnement, de sa réflexion, bref de ses expériences et traçant par-là le premier jet d’une thèse d’arts plastiques. D'autre part, on y découvre le texte esthétique. Le créateur n’est-il pas le premier interprète de son œuvre ? Son rapport avec elle n’est-il pas aussi en permanence un rapport sensible ? Dans une thèse en arts plastiques, poïétique et esthétique personnelle, se conjuguent. Si la poïétique consiste en le faire, le chemin faisant, l’esthétique est le senti de l’artiste, ses réactions sensibles envers ce qu’il fait et envers les formes qu’il réalise.
Ainsi, le doctorant artiste chercheur, est appelé à nous emporter dans son voyage imprévisible pour nous faire découvrir les méandres de son parcours poïétique et esthétique et nous faire prendre conscience de ce qui est en jeu dans l’action créative pour en dégager le processus et le sens. Mais tout cela ne peut se faire sans risque d'erreurs, sans tâtonnements ni repentir. L'erreur est enrichissante.
Quant à la recherche scientifique, elle est synonyme d’objectivité, de distanciation, d’analyse, de déduction et d’induction, de conceptualisation, de comparaison, de logique de découverte, d’intellectualisation et de savoir savant. Elle suppose un recul vis à vis de l’artiste créateur pour le placer hors de lui-même, en questionnant objectivement les rapports que ses œuvres entretiennent entre elles, et en les positionnant par rapport à d’autres approches artistiques, esthétiques et philosophiques.
Le doctorant, artiste-chercheur, ne peut parvenir à construire sa thèse s’il ne dispose pas d’un support conceptuel capable de l’aider à approfondir ses intentions et comprendre les étendues de sa pratique personnelle. Il en est de même pour les références scientifiques et artistiques. Notre doctorant ne peut jamais partir de zéro. Ecrire sur sa propre pratique personnelle en se référant aux écrits d’autre chercheurs dans les domaines scientifiques et philosophiques et aux œuvres d’autres artistes, est une nécessité scientifique. Ces références sont importantes, parce qu’elles se recoupent avec sa pratique artistique, ses réflexions, ses fantasmes et ses préoccupations ; parce qu’elles argumentent son discours propre. Néanmoins, elles ne sont guère premières, parce qu’elles tirent leur légitimité et leur existence de la pratique artistique qui demeure l’origine véritable de la recherche du chercheur.
Ainsi présentée, une thèse en arts plastiques est à la fois subjective et objective, personnelle et impersonnelle. Elle est d’une part le spontané, le ludique et l’imprévisible, d’autre part le conçu, le contrôlé, le réfléchi, bref le rationnel. Elle est à la fois processus créateur imprévisible et ludique et procédure de recherche scientifique et rationnelle. Elle est une posture créatrice à visée singularisante et une posture de recherche à visée cognitive. C’est ce qui fait l’originalité d’une thèse en arts plastiques.
Ainsi considérée, une thèse en arts plastiques serait alors mettre l’intellect au service du créatif. Se donner les moyens intellectuels et méthodiques pour mener à bien son projet et lui ouvrir de nouveaux horizons d’ordre artistique et conceptuel ; faire fonctionner l’objectif pour mieux comprendre le subjectif et l’aiguiller ; faire découvrir notre processus créateur, son devenir, sa genèse, ses lois internes, bref, son ordre caché.
L’artiste chercheur universitaire a une double vocation. Il imagine autant qu’il réfléchit. Il se donne le droit à la folie autant qu’il s’organise. Il se fie au hasard et au spontané, autant qu’il se réfère au rationnel. Ceci peut-il lui permettre de faire de ses doutes, de ses questionnements et de ses expériences plastiques spécifiques, une matière transmissible à d’autres ? Ainsi; cette matière fait progresser les savoirs et savoir-faire et fait découvrir d’autres facettes de l’artistique. L’artistique, n’est-il pas synonyme de notre autonomie en tant que créateur, face aux données de la nature et face à tout présupposé ? N’est-il pas la révélation, à la fois de notre profonde spiritualité, notre plaisir et désir, mais aussi de nos intentions, attitudes, capacités de réflexion, d’analyse et d’auto construction ?
Si nous affirmons qu’une thèse en arts plastiques ne doit pas répondre à un schéma précis, c’est parce qu’il n’y a pas une démarche artistique semblable à une autre. Tout processus créateur est exclusif et unique et ne peut être repris. Par conséquent, il en est de même pour la recherche dans une thèse en arts plastiques.
Une recherche associant pratique artistique et théorie, n’est pas sans précédent dans le cursus des étudiants de l ISBAT. Les ateliers de synthèse qui ont été programmés durant les années 80 et 90 et qui ont touché les 3 années d’études jusqu'à l'année de maîtrise, exigeant aux étudiants un rendu artistique et textuel, en sont un exemple. Il en est de même pour les enseignements se rapportant au nouveau régime LMD : le PFE, relatif à la Licence, ainsi que l’atelier de méthodologie de recherche programmé durant les trois premiers semestres du master de recherche en arts plastiques, ont également pour but d'initier l 'étudiant à conjuguer pratique et théorie. Nous comprenons désormais, que la thèse en arts plastiques n'est qu'un prolongement naturel de ces enseignements à double vocation, théorique et pratique, désignant par-là, la spécificité de notre discipline. Nous nous étonnons alors de l’attitude de ceux qui remettent en question la légitimité de cette thèse, ainsi que la légitimité de la thèse en design (théorie pratique,) en prétendant que la pratique artistique d’un étudiant chercheur parvenant au doctorat, est en dessous de ce que devrait être l'objet d’étude d'une thèse en arts plastiques : constat absurde et non conséquent.
Que tu sois Léonard de Vinci, Delacroix, Picasso ou rien, est à notre avis un jugement non fondé, voire anti-pédagogique et dénué de sens et non concevable. Egalement, sacraliser la thèse de doctorat ne peut relever que d’une appréciation démesurée. Une thèse de doctorat n'est-elle pas qu’une étape s'inscrivant dans le processus évolutif universitaire de l’étudiant ? Ainsi comprise, elle devient une opportunité lui permettant d’approfondir ses expériences artistiques et réflexives durant une durée limitée afin de parvenir à ouvrir de nouveaux horizons lui garantissant l'acquisition de nouvelles compétences, tant dans le domaine artistique que théorique. Une double compétence nécessaire, lui permettant, une fois recruté dans l’enseignement supérieur, de bien mener ses enseignements spécifiques, (pratique- théorique,) programmés dans nos écoles d’art.
Aussi, la recherche est un parcours sans arrêt. Ainsi nous comprenons inévitablement qu'une thèse universitaire ne peut en aucun cas être considérée comme un point d’arrivée, mais plutôt un point de départ déclenchant l’envie d’entamer d'autres recherches. Une thèse réussie est celle qui émane des préoccupations majeures du doctorant et devient par la suite un fil conducteur et initiateur de ses futurs travaux de recherche permettant la cohérence de son parcours. Une thèse dans laquelle il y trouvera, une fois achevée, mille chemins à sonder, nourrissant sa vie professionnelle, d’enseignant chercheur et d’artiste. Une thèse n’est pas un chapitre d’un parcours universitaire oublié. Elle n’est pas non plus une fin en soi.
Alors, qu’est-ce qu’une thèse en arts plastiques ? :
Une thèse en arts plastiques, n’est pas un travail à la manière de. Elle n’est pas non plus une pure introspection de soi, un journal quotidien. Elle est plutôt fruit d’un travail mental opérant sur notre recherche artistique dans un sens concret, à savoir : saisir ses spécificités ainsi que les interférences de ses composantes plastiques, théoriques et référentielles, et proposer une réflexion textuelle poïétique, esthétique, analytique et critique, émanant d’une problématique, questionnant cette recherche artistique et provenant de préoccupations personnelles du chercheur. Une problématique qui se précise et se corrige avec l'évolution de notre expérience. Ainsi parvenons nous à un dialogue entre création personnelle et recherche scientifique. Un dialogue permettant un meilleur approfondissement et objectivisation de cette pratique, et une mise en exergue de l’artistique et une ouverture sur le futur.
Sami Ben Ameur
Le 01-02-2017
[1] Jean-François Lyotard, Discours, figure, Paris, Klincksieck, 1985.
[2] Dictionnaire du vocabulaire esthétique. Puf.1990.
[3] Raymond Bayer, dans Entretien sur l’art abstrait. De Herbin Nicolas Ward. Edition Pierre Cailler. Genève, 1964, p.36